Didier Boutiana, B-boy devenu chorégraphe
Le Port, La Réunion. Au petit matin, on y voit
le ballet des conteneurs et des camions chargés. C’est une ville créole, française, chinoise, tamoul, malgache, shimahoré, une ville de militants et de prisonniers. Ici, la chaleur a un poids et le béton n’a pas de fin. Le Port : Sa mèm mèm ! C’est dans cette ville que Didier Boutiana naît, grandit et rencontre la danse. Cité RN4, il a 13 ans, son corps est encore frêle, enfantin quand il commence à s’entraîner âprement sur le sol dur. Il retrouve ses dalons, dans ces lieux qu’eux seuls connaissent. La musique s’appelle prod, rythme, ou beat. On se dit « Tu » et on s’honore du titre de « B Boy ».
Pour se motiver, on se confronte, on se compare, on s’encourage aussi. La discipline est à la mesure du béton. Il faut bosser pour avancer. Il faut se différencier pour exister. Didier explore la fluidité, le chemin du geste, les angles. Il acquiert cette idée simple en apparence : « la danse, ça se danse. » Il s’en souviendra quand il constatera que certains interprètes ne pratiquent pas quotidiennement. Pour lui, c’est tous les jours.
Le travail, c’est aussi ce qui le mène du collège de l’Oasis au lycée professionnel Léon de Lepervanche, puis au lycée Lislet Geoffroy pour gagner la fac. Ses erreurs de parcours sont autant d’occasions de rebondir et autant d’histoires qu’il partage avec les jeunes de tous les quartiers du monde. Il est fier de pouvoir montrer qu’on n’est jamais prisonnier de la place qu’on nous assigne.
Au Port, Soul City est un crew historique. Être choisi par lui, est un honneur et une expérience pour chaque danseur. Le crew se professionnalise avec une première chorégraphie : Haine Terre Rieur. Didier rencontre ensuite la chorégraphe Yun Chane qui change son regard sur la danse. Il rejoint ensuite la compagnie de danse contemporaine Danse en l’R d’ Eric Languet puis celle d’Artefakt de Céline Amato avant d’être recruté par les Sud Africains de la Dusi dance company, de Vusi Makhanya, à Durban.
Habitué à la performance dans le Hip Hop, Didier Boutiana découvre que le mouvement peut servir un propos et ça lui plaît. Il vit les fragilités, les doutes, inhérents au processus créatif. Il découvre de nouvelles facilités, le plaisir de l’improvisation, il revendique bientôt un parcours loin des écoles de danse. Discipliné et ambitieux, le danseur sent naître en lui l’envie de chorégraphier. C’est sa première création, mais c’est déjà un Réflex (création 2013).
Didier Boutiana est artiste associé des TEAT RÉUNION.
Didier Boutiana est artiste associé du théâtre Luc Donat.