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Critique du journal Theaterkrant sur KANYAR

Un démarrage distant avec une scène sombre

Publié par Charissa Promes le 20 août 2018

“Est-ce que tu l’a aperçu ?” Alors que le public pénètre dans le théâtre de l’OBA, le danseur Didier Boutiana se trouve déjà en plein milieu de la salle. Les spectateurs s’interroge sur cette présence inattendue. Rien ne sort de l’ombre, pas de montée dramatique. Une chose est là : le mystère. Le breakdancer, lauréat de plusieurs prix, regarde devant lui, allume négligemment une cigarette. Qui est le personnage que Boutiana pose? Ou est-il lui-même?

Dans le cadre du plus grand événement de danse urbaine en Hollande, Summer Dance Forever, Boutiana présente pour la première fois en Europe sa performance solo KANYAR. Le titre, du créole, désigne un délinquant ou un étranger. Quelqu’un qui évolue en marge de la société par la naissance, les circonstances, ou par choix. Ne vous méprenez pas, un «kanyar» peut aussi être un artiste ou un politicien qui, à sa manière, déplace les normes, crée son propre système ou va à l’encontre des règles de notre société.

Boutiana démontre simplement ce phénomène complexe en se démarquant du public dès le début de la performance. Il échange le dos d’une chaise de théâtre contre une scène sombre ; C’est l’image que Boutiana a de l’expérience d’un ‘Kanyar’.

Par sa posture, le danseur ne peut être clairement vu. Sa poitrine musclée est partiellement visible à travers sa cape ample. Le visage rugueux de son visage change quand un gong se met en branle. Douloureux, il se déplace devant la toile, blotti, avec des mouvements d’isolants, il passe ses articulations unes après l’autres.

Jusqu’à ce que le fond apparent commence à monter. Le mur qui était devant Boutiana se transforme en plafond et change également les mouvements du danseur. Soigneusement, presque en demandant, il laisse ses bras traverser l’espace. Ses yeux reviennent sans cesse sur le plafond renouvelé, comme s’il craignait que la menace ne le brise à tout moment.

Bien que les mouvements durs et puissants au sol montrent un arrière-plan hip-hop clair, les levés de jambes et les pirouettes de Boutiana s’écartent de ce qui est le plus souvent vu d’un danseur de break. Cela pose la question de savoir dans quelle mesure le danseur s’est inspiré de formes de danse plus classiques, dans son pays d’origine ou ailleurs. Le danseur est né à La Réunion, une île qui appartient à la France et se situe entre Madagascar et Maurice. Il y fonda le groupe Soul City qui devint un collectif professionnel en quinze ans. Les influences du hip-hop, mais aussi des formes de danse culturelle, donnent aux danseurs du groupe un langage de danse attrayant.

Il est donc regrettable que Boutiana laisse le public de Kanyar en attente de ce langage. Les mouvements de questionnement, répétitifs et indirects persistent pendant un certain temps, de sorte que le breakdancer ne peut pas retenir l’attention en permanence.

Le spectateur patient est récompensé au moment où le plafond mobile tombe vraiment au-dessus du danseur. Le décor l’enveloppe, mais après quelques minutes de silence, des pièces de monnaie trahissent sa présence. Lentement, il est impuissament soulevé par la plateforme à une jambe. Et puis Boutiana a tout le monde.

À l’envers, ses dernières possessions sortent de ses poches. Des gouttes de sueur volent en rond alors qu’il tente de s’échapper de façon trépidante. Il se détache de ses chaînes et menottes invisibles et, initialement cassé, il passe aux powermoves rares dans cette performance, des mouvements de breakdance nécessitant beaucoup de force au niveau du haut du corps, souvent avec appui. Peut-être encore plus apprécié par leur rareté.

D’une beauté saisissante, c’est aussi l’image dans laquelle Boutiana se promène comme un vieil homme courbé. Ses talons, ses pieds roulent sur ses orteils; et les bascules en arrière qui se fondent doucement dans des plongées dans le sol, avec lesquelles l’hôte insère son corps athlétique gracieux dans toutes sortes de virages.

Boutiana joue définitivement un personnage. Cela devient clair dans une interview interactive avec son public par la suite. En tant que personnage beaucoup plus charmant à l’heure actuelle, il parle, entre autres, de son travail de théâtre avec des personnes incarcérés. L’influence de ce travail sur la performance est faible. Bien qu’il aurait pu choisir d’imiter ces personnes, il a choisi de ne pas en faire une caricature, mais plutôt de soulever la question de leur situation: Que se passerait il, si vous, en tant personne libre, n’acceptez pas la norme?

Photo: @stefani_official

Article : https://www.theaterkrant.nl/recensie/kanyar/didier-boutiana/

 

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